Canicules terrestres et marines
Successions de sécheresses et d’inondations

Résumé des conclusions du premier rapport des experts méditerranéens sur le changement climatique et environnemental (MedECC). Publié en novembre 2020, il alerte les décideurs politiques et le public. MedECC
Les précipitations subissent une évolution paradoxale, avec une accentuation de la sécheresse pendant les mois d’été et une augmentation des fortes pluies et donc du risque d’inondation en hiver. Les modèles climatiques indiquent, d’une façon cohérente, une décroissance moyenne de 4 % de la quantité de précipitations par degré de réchauffement global. Dans une zone où les ressources en eau sont déjà insuffisantes pour 180 millions de personnes (au sud et à l’est du bassin), ce manque va s’accentuer, notamment pour le secteur agricole.
D’autant plus que la demande totale du bassin pourrait accroître de 22 à 74 % d’ici à 2100 en raison de l’évolution démographique, du tourisme de masse et de l’agriculture. Et les conséquences seront dramatiques dans le sud et l’est de la Méditerranée dont le climat est déjà qualifié d’aride, et qui concentre les trois quarts de la population du bassin.
Une biodiversité menacée
Avec ses 25 000 espèces de plantes, dont 60 % d’endémiques, le territoire méditerranéen est également un point chaud de la biodiversité. Il a servi de refuge aux espèces végétales et animales pendant la dernière période glaciaire, quand le climat était nettement plus froid et le niveau de la mer 120 mètres plus bas.
Ces écosystèmes sont aujourd’hui sous la triple menace de la sécheresse, de la montée des eaux et de l’intensification de l’utilisation des terres. De nombreuses espèces subissent une forte régression parmi les insectes, les amphibiens ou les reptiles. S’ajoutent à cela le changement climatique, la pollution et la surpêche, trois phénomènes qui affectent profondément les écosystèmes marins méditerranéens, lesquels contiennent 18 % des espèces connues pour une superficie de 0,82 % de l’océan global. Sur la période 1950-2011, la Méditerranée a ainsi perdu 34 % des espèces de poissons et la taille des prises a diminué de 20 à 30 %.
Les incendies de forêt dus aux vagues de chaleur, aux sécheresses et à l’abandon d’agropastoralisme seront de plus en plus dramatiques malgré les efforts de prévention et les capacités d’intervention. Ces dernières sont efficaces pour les feux de petites et moyennes tailles, mais beaucoup moins pour les mégafeux qui vont devenir plus fréquents.
Instabilité sociale et politique
S’ajoute à ces caractéristiques naturelles et démographiques du bassin méditerranéen l’instabilité sociale et politique qui l’agite, entraînant des pertes économiques, des conflits et des souffrances importantes des populations. On peut citer l’augmentation des prix des denrées alimentaires en Tunisie qui déclencha en 2011 le Printemps arabe. Bien qu’aucun lien de cause à effet avec le changement climatique ne soit démontré, les transformations attendues à l’avenir sont tellement fortes qu’elles ne seront probablement pas sans impact sur ces instabilités et exigeront des efforts d’adaptation considérables.
Sur le plan économique, la région a une dépendance très forte au tourisme de masse. Avant la crise sanitaire de la Covid-19, elle accueillait 30 % des vacanciers internationaux dans le monde. Le secteur fait face à une double menace des canicules et de la dégradation de l’environnement d’une part, et à la nécessaire décarbonation des transports d’autre part. Le pic de consommation d’eau du tourisme coïncide avec celui de l’agriculture qui exigera une irrigation de plus en plus importante, exacerbant les conflits d’usage.
La crise actuelle précipite ces évolutions et rend inéluctable à court terme un changement de paradigme du développement économique fondé sur la croissance perpétuelle, l’énergie (majoritairement fossile) et le gaspillage. Rappelons que le réchauffement climatique constitue aussi une opportunité pour progresser vers des modes de vie plus respectueux de la nature.
Source : MedEcc – IME / Kasia Marini, coordinatrice scientifique pour MedECC au Plan bleu (Centre d’activités régional du plan d’action pour la Méditerranée du PNUE), a contribué à la rédaction de cet article.