Réutilisation des Eaux Usées Traitées - AJIM (Tunisie)
« Les pénuries d’eau, qui se font de plus en plus fréquentes, font maintenant partie des principaux défis à relever pour parvenir à un Développement Durable. Ce défi est d’ailleurs appelé à s’intensifier alors que la population mondiale continue d’augmenter et que le changement climatique persiste », a averti M. José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO. »
José GRAZIANO DA SILVA
DIRECTEUR GENERAL DE LA FAO
Une situation mondiale préoccupante
En effet, la concurrence pour l’accès aux ressources en eau va s’intensifier lorsque la population mondiale dépassera les 9 milliards d’ici à 2050. Dans les pays en développement, des millions d’agriculteurs familiaux souffrent déjà du manque d’accès à l’eau douce, tandis que les conflits liés aux ressources en eau surpassent déjà ceux liés aux litiges fonciers dans certaines régions.
Le changement climatique est déjà en train d’altérer les régimes hydrologiques partout à travers le monde et près d’un milliard de personnes vivant en zone aride pourraient être confrontées à une hausse des pénuries d’eau dans un futur proche. Ces régions sont caractérisées par une pauvreté extrême et par de nombreuses souffrances liées à la faim.
L’agriculture est à la fois une cause majeure et une victime des pénuries d’eau. Le secteur agricole utilise aujourd’hui 70 pour cent des prélèvements d’eau douce dans le monde et contribue à la pollution de l’eau à cause des pesticides et des produits chimiques utilisés.
En vue de relever ces défis, la communauté internationale a créé un objectif autonome de Développement Durable relatif à l’Eau (ODD N°6) et s’efforce d’intégrer le principe d’une meilleure gestion de cette ressource naturelle dans l’ensemble des ODD’s, liés à la pauvreté extrême, à la faim, à la malnutrition et au changement climatique.
En quelques chiffres
- Tunisie – Gouvernorat de Médenine – Île de Djerba : 155.000 habitants
- Région Djerba-Zarzis
- Superficie : 51.000 ha. Trois communes : Houmet Essouk, Midoun, Ajim : 10.353 ha
- Ville de AJIM : 25.000 hab. milieu rural, en bordure du canal d’Ajim, reliant le Golfe de Gabés et le Golfe de Boughara
- Aire isoclimatique méditerranéenne : pluviométrie faible (200 mm/an), et température (8,4 °C et 32,7 °C)
- Agriculture : Surface des zones propices à l'agriculture : 10.547 ha, Nombre d’agriculteurs : 2.530, Nombre des points de ventes de pâture : 3, Nombre des puits superficiels : 485, Nombre des puits artésiens : 1, Arbres fruitiers : 420 ha, Oliviers : 5.795 ha, Céréales : 1.200 ha,
- Équipements : Taux de raccordement à l'eau potable : 85% (source : SONEDE , année 2006), Taux de raccordement à l'électricité : 100% (source : STEG , année 2006), Taux de raccordement au réseau d'assainissement : 10%
- Ressources en Eau : Ressources en Eau conventionnelles Horizon 2030 : diminution d’environ 28%, Eaux de surface Horizon 2030 : diminution de 5 %
Relevons le Défi …. Il est temps d'agir :
Une meilleure gestion des ressources naturelles se traduira par une amélioration des moyens d’existence dès maintenant et à l’avenir.
L’un des fondements de l’économie circulaire est de rallonger la durée d’usage de la ressource, en s’appuyant sur l’ensemble des services que peut rendre la ressource, en recherchant une valorisation maximale de ses co-produits. L’eau en est un parfait exemple par les opportunités de multi-usages qu’offrent les eaux usées traitées.
Face aux défis à long terme, les solutions non conventionnelles comme la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT) représentent une réelle opportunité durable. En offrant une ressource disponible et stable, la REUT permet de sauvegarder le tissu économique et social local. En proposant une gestion sûre de cette ressource, elle réduit les impacts environnementaux. Cependant, ces procédés impliquent un contrôle et une règlementation très précise afin de ne pas poser de risque pour le milieu comme pour la population.
Ainsi, en devenant l’un des piliers dans la gestion d’une ressource aussi indispensable que l’eau, la REUT pourra dépasser les a-priori qui lui sont associés et ainsi répondre aux défis de demain, à condition d’être pour chacun des pays, au centre de sa stratégie nationale de gestion de l’eau.
Le cadre d’action de « La Goutte d’Ô » a pour objectif de soutenir le développement et la mise en œuvre de politiques et de programmes visant à promouvoir une utilisation durable de l’eau dans le secteur agricole et à encourager la coopération entre les différents intervenants, dont la société civile, le secteur privé, les institutions financières et les organismes de développement.
La résilience par la sobriété et l’efficience d’usage des ressources, en réponse aux effets du Changement Climatique, doivent devenir les mots d’ordre du monde de demain.
Notre Association « La Goutte d’Ô » souhaite contribuer à renforcer la prise de conscience du potentiel de développement durable que représente la Réutilisation des Eaux Usées Traitées (REUT), pour l’environnement comme pour la société en générale.
Diagnostic, Enjeux et Objectifs pour AJIM
La Tunisie est l’un des pays de la Méditerranée les moins pourvus en ressources hydrauliques. En raison de sa rareté, l’eau constitue un enjeu fondamental actuel et futur de la Tunisie.
La rareté des ressources en eau en Tunisie et plus particulièrement sur l’île de Djerba, conduit à reconsidérer en permanence un objectif global de sécurisation, d’économie et de renforcement des ressources en eau, pour une gestion plus efficiente. Les enjeux de promotion du tourisme, ont quant à eux su trouver échos avec d’importants travaux de transferts de ressource en eau et dernièrement par la création d’une installation de dessalement des eaux. Néanmoins sur Djerba, d’autres exigences à satisfaire sont aussi un impératif pour un développement harmonieux et équilibré de l’île et de sa population.
Cet objectif d’équité trouve particulièrement son cas d’application pour la partie du territoire de l’île hors des zones touristiques majeures, qui depuis toujours doivent se satisfaire d’activités traditionnelles de pêche et d’agriculture.
La commune d’AJIM est représentative de cette configuration historique.
Dans le développement d’AJIM, si l’activité pêche est tributaire de la ressource piscicole et de la résorption des pollutions, l’activité agriculture est quant à elle contrainte par la ressource en eau.
En évoquant le capital eau pour les besoins de l’agriculture, l’impasse est généralement admise au profit des besoins croissants des populations urbaines, des industriels et des établissements touristiques. Ce sont en réalité ces catégories qui consomment les ressources souterraines laissant à l’agriculture et aux exploitants les maigres apports des nappes phréatiques et des eaux de ruissellement.
Dans la municipalité d’AJIM, les ressources en eau sont limitées et utilisées prioritairement pour l’eau potable ; le développement d’une nouvelle ressource non-conventionnelle permettrait d’allouer cette ressource à la promotion de l’agriculture via l’irrigation.
La Municipalité d’AJIM s’est dotée dernièrement d’une station d’épuration pour traiter ses eaux usées. Le projet proposé consiste à développer une filière complémentaire de réutilisation des eaux usées traitées (REUT).
Ces eaux pourront alors être valorisées localement en agriculture et répondre à un besoin d’irrigation et de développement économique agricole.
L’eau est un facteur limitant pour le développement de l’agriculture. Pour cette raison, l’amélioration de son efficience est nécessaire par la recherche des stratégies de l’irrigation déficitaire.
La REUT, une technique bien adaptée.
La réutilisation des eaux usées (Wastewater Reuse ou REUT) consiste en l’utilisation d’eaux usées plus ou moins traitées dans un objectif de valorisation (usage bénéfique).
La REUT permet en particulier de diminuer la pression sur les ressources en eau et de libérer des quantités non négligeables d’eaux conventionnelles pour d’autres usages ou pour la préservation de l’environnement et le maintien des ressources en eau de surface et souterraines.
À l’échelle méditerranéenne, la REUT par irrigation sur des surfaces agricoles reste l’usage prépondérant et en fort développement car le secteur agricole prélève souvent une part très importante des ressources en eau conventionnelles.
La REUT permettrait de fournir de l’eau d’irrigation aux périodes de fort besoin des cultures, qui couvrent essentiellement le printemps et l’été et de développer d’autres activités agricoles à potentiel économique.
Le présent projet vise à permettre d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs, en promouvant un autre type d’agriculture et pour cela en exploitant de nouvelles ressources en eau non-conventionnelles.
Les objectifs spécifiques du projet, peuvent-être spécifiés ainsi :
- Réduction des pollutions au milieu récepteur,
- Économie d’eau, par la réutilisation des eaux usées traitées,
- Développement de l’agriculture,
- Adaptation aux effets du Changement Climatique (Solution Fondée sur la Nature)
- Renforcement et modernisation du modèle économique agricole traditionnel,
- Amélioration des conditions sociales des agriculteurs.
Un projet qui s’inscrit dans l’économie des ressources et le Développement Durable
La réutilisation des eaux usées épurées (REUT) présente un intérêt environnemental réel qui s’intègre pleinement dans une logique de Développement Durable.
Cette ressource dite « non conventionnelle » peut se substituer aux prélèvements actuels d’eau brute, et ainsi augmenter le potentiel de production d’eau potable, mais aussi procurer une ressource nouvelle pour divers usages – agricoles, industriels, urbains, recharge de nappe, stockage inter saisonnier .
Les projets de réutilisation des eaux usées traitées (REUT) participent à la gestion intégrée des ressources en eau et à la préservation de l’environnement. Ils sont particulièrement stratégiques dans les pays arides et semi-arides de la région méditerranéenne, comme la Tunisie, où la pression sur les ressources en eau est forte. De plus, la concurrence entre les différents usages de l’eau devrait s’intensifier dans un contexte de Changement Climatique et de recherche de mesures d’adaptation locales efficaces.
Un projet porteur de développement économique et social :
Le développement de l’irrigation agricole est un facteur d’intensification et de diversification des cultures et donc de développement économique. L’utilisation agricole des eaux usées épurées génère d’un point de vue économique, plusieurs types d’impacts positifs:
- Elle permet le développement de cultures irriguées dont la valeur ajoutée est supérieure à celle des cultures sèches,
- Elle apporte des fertilisants (Fert-irrigation) en substitution d’engrais de synthèse coûteux.
Les bénéfices socio-économiques résultant de l’irrigation sont essentiellement de trois types :
- Augmentation des revenus des agriculteurs suite à l’amélioration de la productivité,
- Création d’emploi, l’irrigation exigeant une intensification en intrants et main d’œuvre,
- Diminution des risques dus aux aléas climatiques et surtout à la fluctuation de la pluviométrie.
En plus d’un bénéfice économique, le projet d’AJIM peut engendrer également pour les citoyens de la commune, agriculteurs en particulier, un bénéfice social et sociétal notable.
Le projet
1ère Activité prévue : Étude de préfaisabilité
- Analyse du cadre institutionnel et réglementaire des projets de REUT en Tunisie
- Retours d’expérience sur la REUT en Tunisie
La Tunisie dispose déjà d’une expérience en matière de REUT qu’il est utile d’appréhender pour connaitre les facteurs de réussite du projet.
- Caractérisation de la STEP et potentialité de la REUT
Les caractéristiques de la STEP et sa compatibilité avec la REUT constituent le préambule à tout projet de REUT.
- Caractérisation de l’environnement, du milieu naturel et urbain local : Analyse des impacts et risques potentiels.
- Situation des ressources en eau locales : potentiel et besoins / contribution de la REUT.
Pour être pleinement efficiente, la REUT doit s’intégrer dans une approche globale des ressources locales en eau et y apporter une contribution positive.
Il s’agira d’apprécier :
- Les ressources locales en eau (origine, volumes),
- L’affectation actuelle aux différents usages,
- Le niveau de satisfaction des besoins pour chaque usage,
- L’impact actuel et futur du changement climatique,
- La contribution potentielle de la REUT.
- Examen des potentialités agricoles locales de REUT
- Inventaire des autres usages potentiels d’eaux usées épurées
Cette partie fera l’inventaire des autres usages possibles des eaux usées traitées tels qu’envisagés par les autorités locales ou à l’issue des entretiens menés avec elles par l’équipe d’experts.
2 ème actiVITé prévue : Avant-Projet Sommaire
La faisabilité du projet, à la fois technique, économique, sociale, financière doit permettre dans le cas d’une validation par l’ensemble des parties prenantes, de lancer la phase visant à établir l’Avant-projet Sommaire au niveau de la STEP. Il s’agira de définir la Maîtrise d’Ouvrage, les Termes de Références, le financement, le prestataire technique.
Côté valorisation agricole, il s’agira d’approfondir le modèle agricole – Cahier des Charges – Financement – Prix – Gestion, ainsi que pour finaliser les conditions commerciales des débouchés des produits.
Résultats attendus
1 – Résultats concrets et mesurables à court terme
L’étude de préfaisabilité s’attachera à prévoir une liste d’indicateurs simples, à la fois quantitatifs et qualitatifs, adossés aux domaines techniques, économiques, environnementaux et sociétaux.
2 – Impact sur les bénéficiaires à moyens terme et moyens de mesure envisagé
Le suivi de l’adhésion au projet sera aussi qualifié et quantifié, au cours des différentes étapes de l’étude de préfaisabilité : informations préalables, concertations, rendu de l’étude.
PERSPECTIVES FRANCAISES
Ce partenariat international franco-tunisien autour de ce projet, présente pour les Collectivités Locales de la Région Occitanie, un champ concret de réflexions et d’actions particulièrement utile dans le contexte local de raréfaction des ressources en eau, de bonne gestion et de recherche de mesures d’adaptation au Changement Climatique.
Le projet permettrait ainsi d’ouvrir en Occitanie des opportunités pour répondre aux besoins du monde agricole en excluant les eaux souterraines de qualité, réservées à l’eau potable, et de fait apporterait une complémentarité dans les secteurs ruraux agricoles non desservis par les réseaux d’eau brute.
Actions de communication
- En Tunisie: Les actions de communication et de sensibilisation seront dédiées aux Bénéficiaires du projet.
- En Occitanie: Les actions d’information, de communication et de sensibilisation seront dédiées aux acteurs publics et privés de la chaîne Eau – Agriculture.
Contribution de la Réutlisation des Eaux Usées traitées :
- 2. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, et promouvoir l’agriculture durable.
- 8. Promouvoir une croissance économique partagée et durable et le travail décent pour tous.
- 10. Réduire les inégalités entre les pays et en leur sein.
- 13. Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques.
- 14. Protéger la faune et la flore en milieux aquatiques.
- 15. Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres.
- 17. Renforcer le partenariat mondial au service du développement soutenable.
Les phases clé de l'avancement
À ce jour la détermination Municipale est forte et entière, pour transformer cette idée en projet.
Le développement de cette idée, pourrait se mettre en œuvre en 2020, en partenariat avec l’Association française « La Goutte d’Ô », membre du Conseil Mondial de l’Eau, membre de l’IPBES et signataire de Déclaration Internationale des Solutions Fondées sur la Nature, gestion de l’eau et changement climatique.
Nous sommes conscients que ce projet de REUT est très complexe à initier, à définir et à mettre œuvre. En effet ce type de projet est un concentré de problématiques possibles, qui nécessitent une approche méthodologique à la fois technique, économique et sociale, couvrant l’ensemble des domaines de l’eau, de la santé et de l’agriculture.
Vouloir mettre en œuvre directement un projet de REUT est très ambitieux et risqué, au regard des finances publiques, des attentes sociétales et des exigences environnementales.
Conscient de cet écueil possible, nous privilégierons dans un premier temps de conduire une étude de préfaisabilité, qui permettra d’aborder l’ensemble des points à connaître, les limites, les difficultés.
Ce ne sera que dans un second temps et au vu des résultats préliminaires, que l’on pourra en toute connaissance de cause, envisager une réalisation concrète du projet, en investissement et en fonctionnement à partir de la mise au point de l’Avant-Projet Sommaire (APS)
Un telle posture, présente un avantage certain pour la commune de Ajim et pour les partenaires potentiels internationaux, qui souhaiteraient intervenir. Dans ce cas ces organismes Co-financeurs pourraient se positionner plus favorablement.
Planning prévisionnel :
- 2020- 2021 : Étude de pré-faisabilité – Mobilisation de partenariat financiers
- 2022 : Maîtrise d’Ouvrage – Avant-Projet Sommaire – STEP – Financements
- 2022 : Montage du modèle agricole – Cahier des Charges – Financement – Prix – Gestion
- 2023 : Accord des parties prenantes – Montages administratifs et économiques
- 2024 : Travaux de construction – équipements – gestion – suivi
- 2025 : 1re Évaluation